Méditation 19ème dimanche ordinaire B – 8 août 2021
Évangile selon saint Jean 6, 41-51
Jésus et les ronchonneurs…
Ça ne passait pas ! Il avait dit : Moi je suis le pain de la vie.
Et comme si ça ne suffisait pas, il avait rajouté : C’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel ! Et maintenant il dit : Je suis descendu du ciel !
Mais pour qui se prend-il ? De deux choses l’une : ou bien il est fou ou bien c’est nous qui le sommes.
Essayons quand même de comprendre ce qu’il dit avant de l’enfermer ou, comme on dit aujourd’hui pudiquement, de le neutraliser !
Il faudrait d’abord savoir si on est bien sur la terre ou si on est dans les nuages. Si on est sur la terre : le pain, nous savons ce que c’est : indispensable pour la vie. Mais il nous dit : ce pain-là, ne vous empêchera pas de mourir. En quoi, il n’a pas tort… Il faut travailler, dit-il, pour un autre pain qui fait vivre éternellement !
Veut-il parler de la Parole de Dieu qui est Sagesse ? ça, nous connaissons, c’est dans notre Loi au livre des Proverbes : À celui qui manque de bon sens, la Sagesse dit : Venez manger de mon pain et boire le vin que j’ai préparé pour vous.
Dieu nourrit son peuple, il l’a montré au désert en faisant pleuvoir la « manne », ce pain venu du ciel…
Mais, ici encore, il nous dit que ceux qui ont mangé la « manne », ils sont morts et, il faut bien le reconnaître : à nouveau, il n’a pas tort…
Et quand il dit : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel, c’est mon Père, on est prêt à le suivre si c’est bien de Dieu qu’il parle. Car évidemment, nous ne mettons pas la charrue avant les bœufs : c’est bien Dieu qui conduit son peuple et le nourrit par son serviteur Moïse.
Mais ce qui est inacceptable et qui justifie que nous ronchonnions, c’est qu’il appelle Dieu son Père et qu’il dit : Je suis le pain vivant descendu du ciel, si quelqu’un me mange, il vivra éternellement !
Mais enfin ! Joseph : son père, Marie : sa mère, et ses frères et ses sœurs… On est bien sur terre, dites un peu !
Oui, on est même très bien sur terre, d’autant qu’avec lui se voient des choses inhabituelles et extraordinaires : telle cette foule, insatiable, qui se nourrit de sa Parole. Ce peuple pris en charge par la compassion du Bon Pasteur soucieux du corps autant que de l’âme de chacune de ses brebis…
On est si bien au bord du lac, auprès de lui, à l’endroit où se sont multipliés les pains et les poissons : ressources de la mer et de la terre, de la générosité de Dieu et de la générosité de cet enfant qui a mis tout ce qu’il possédait dans les mains du Fils de l’homme : l’Enfant chéri du Père venu en personne auprès des siens pour assouvir toutes les faims du monde…
Demandez aux gens qui étaient là s’ils avaient le sentiment d’être sur la terre ou dans le ciel… !
Les personnages les plus illustres de l’histoire leur revenaient en mémoire :
Moïse harcelé par les ronchonneurs d’Israël et leurs phantasmes d’une nourriture d’esclave supérieure à celle, au désert, de l’homme libre…
Le grand Elie, l’homme de l’espoir, complètement déprimé jusqu’à vouloir en finir de son combat contre la tyrannie et les arnaques de son époque, sauvé in extremis par le pain de l’Ange dégotté par Dieu pour le booster jusqu’à son élévation dans les cieux…
La foule a une longueur d’avance sur les « sachants » de tout acabit. Elle flaire qu’il y a du nouveau et que le ciel n’est peut-être pas là où on l’a mis. Et, si le ciel était descendu sur la terre… !
Si cet homme était vraiment descendu du ciel comme il le dit pour nous apporter la consolation de Dieu comme annoncé par le prophète : Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face.
Eh bien ! C’est fait ! Dieu n’est plus caché dans les hauteurs. Il s’est fait visible à nos yeux. Il s’est fait proche. Il s’est même tellement rendu proche que le peuple en a été ébranlé ! Trop près, trop proche pour être Dieu ! Et, …c’est reparti pour ronchonner de plus belle !!
Mais, comment résister à l’attraction de ce Dieu-là ? C’est totalement impossible et Jésus en donne la raison : vous avez beau ronchonner : Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire vers moi : c’est le Père qui attire !
Et Jésus d’apporter un argument massue en forme de coup de billard à deux bandes (Isaïe et Jérémie) : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même.
Alors fou ? Ou doté d’une Sagesse tout à fait singulière ?
Personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu.
Pour accéder à lui, il n’y a qu’une seule voie, la plus simple du monde, un seul travail mais ressenti comme le plus difficile pour l’homme de la terre, le seul cependant qui puisse combler son désir de Vie éternelle : la Foi en cet Homme. Fou, assurément, parce que Dieu l’a comblé de sa folie d’amour pour être son Visage et assurer le salut du monde : Montre nous ton visage et nous serons sauvés. Il en a fait le Pain Vivant, descendu du ciel qui donne la vie au monde.
Michel Diricq