Méditation : dimanche du Christ, roi de l’univers – 22 novembre 2020
Un curieux jugement !
Dans l’évangile selon S. Matthieu, lorsque Jésus prend la parole pour la première fois, c’est pour proclamer : « Heureux les pauvres de cœur car le Royaume des cieux est à eux » (5, 3). Aujourd’hui, nous l’entendons prononcer face à toutes les nations rassemblées devant lui : « Venez-les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous … » (25, 34). Ainsi prend fin pour nous, en cette année liturgique assez troublée, la lecture et surtout l’écoute de l’évangile selon S. Matthieu.
Celui qui proclame ces paroles tellement simples, nous le reconnaissons comme Messie de Dieu, Roi de tout l’univers et même juge des vivants et des morts, juge de toute l’histoire humaine. Quel contraste ! Le jugement dernier, le jugement vrai et juste, ne porte pas sur la pratique de rites religieux ou sur le fait d’avoir risqué sa vie dans des actes héroïques et glorieux. Il porte sur la place faite au frère, à la sœur, dans des gestes à la fois élémentaires et essentiels. Ce qui compte en définitive aux yeux du Fils de l’homme et donc de Dieu, ce qui fait la différence, ce sont des gestes de soin, des démarches qui reconnaissent en celui ou celle qui est en manque, un semblable, un frère, une sœur. Là commence et s’ouvre ce Royaume des cieux dont nous demandons la venue en priant le Père comme Jésus nous l’a appris : Que ton Règne vienne !
Ce qui est remarquable dans cette grande parabole du jugement, c’est que personne ne savait que le soin du semblable touchait le Christ lui-même. Aussi bien les bénis que les maudits s’étonnent : Seigneur, quand t’avons-nous vu ? L’essentiel, la profonde vérité de nos vies et de la vie du monde, ce n’est pas de connaître et de reconnaître le Christ (même si ça vaut vraiment la peine !), mais c’est d’être reconnu par lui parce que nous nous sommes approchés du frère en prison, malade, affamé.
Depuis quelques mois, nous avons retrouvé l’importance tout à fait décisive du soin. Et même celles et ceux qui nous gouvernent – les meilleurs en tout cas – terminent leurs discours tellement simplement et humainement en nous appelant à prendre soin les uns des autres. Nous avons mieux perçu combien celles et ceux qui prennent soin sont précieux et indispensables. Pourtant, ils ne sont pas au sommet de la pyramide sociale ou de celle des salaires. Jésus ne l’était pas non plus, son trône royal, c’est la croix. C’est eux pourtant qui font advenir ce monde d’après dont nous espérons qu’il ressemblera mieux que le nôtre au Royaume de Dieu.
Comme quoi, laisser le règne et le jugement du Christ transformer nos vies personnelles et notre vie en commun, c’est un fameux bouleversement, c’est une conversion !
Paul Scolas